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un autre regard....une expression libre , le débat citoyen, l'éducation populaire et permanente

faut-il- accorder valeur et travail

Je me souviens qu’à l’école communale nous avions droit à la ‘leçon de choses’ deux fois par semaine. Monsieur Pasco notre instituteur, finissait toujours son cours en nous demandant si tout le monde avait bien compris. Si plusieurs mains se levaient pour dire non, il reprenait la leçon la semaine d’après ! À part les cas désespérés, tout le monde finissait par comprendre les explications du maître d’école. Monsieur Pasco est parti faire l’école sur une autre planète ; que penserait-il de la valeur travail ? Quelle explication donnerait-il à ses élèves ? Je crois que sa première réponse serait celle qu’il nous donnait quand notre parler s’apparentait au baragouinage : « j’ai du mal à répondre à une question quand elle ne m’est pas posée en bon français » !

         Charlemagne qui en plus de favoriser l’extension des privilèges accordés aux marchands et à la noblesse, a inventé l’école ! Rendons grâce à l’empereur qui avait compris que l’instruction et l’acquisition du savoir, pouvaient lui être aussi utiles que son armée pour dominer et régner sur son peuple. En fondant une école destinée à la formation d’un corps de fonctionnaires et de l’élite aristocratique sur laquelle il voulait s’appuyer pour diriger son empire. L’empereur à la barbe fleurie mérite-t-il autant d’éloge pour avoir « inventé » l’école ? C’est aux historiens d’apporter leur éclairage sur la question ; pour ma part je mesure tout le sens des paroles de Monsieur Pasco quand il nous disait que sa mission n’était pas de faire de nous des savants mais de nous donner les moyens de comprendre ce qui était écrit dans les livres ; avant d’aborder ce que la vie nous réservait.

         De caractère optimiste et vivant d’un salaire différé que je perçois dans la satisfaction du devoir accompli, je demeure dans l’attente des bonnes et des mauvaises surprises. Alors je trouve inquiétant que notre Président et sa cour viennent nous parler de Valeur et Travail alors qu’ils ont détruit le code du travail dans les grandes lignes ! C’est comme si un arracheur de dent venait nous faire la publicité d’un produit miracle pour soins de bouche !

         L’origine du mot travail vient du latin ‘tripalium’ qui désignait un instrument de torture. Dans ‘Candide ou l’optimisme’ Voltaire ; homme d’esprit s’il en est, a une définition quelque peu surprenante du travail quand il dit : « travailler évite à l’homme de s’ennuyer ou de sombrer dans le vice et le besoin et ; que le travail est utile à l’homme même s’il est parfois difficile ou pénible » . Malgré l’ambiguïté du propos, la corrélation du vice et des besoins demeure un bon sujet pour bâtir la trame d’un roman où se percutent les rêves de vie de château d’une jeunesse désœuvrée et toute la misère du monde. « Vivre sans travail, c’est vivre comme un paria, sans revenu, se retrouver dans l’incapacité de subvenir aux besoins élémentaires d’existence pour lui-même et les siens ». Cette condition de vie condamne l’individu à vivre dans le dénuement et le contraint à un comportement que la morale réprouve, à savoir : la mendicité, le vol, la violence et la dégradation du bien d’autrui ! L’œuvre de Voltaire est un conte philosophique publié en 1759, ses principaux thèmes sont : le bonheur, la justice, l’ordre du monde et la politique. Voltaire ne s’attarde pas sur les conditions de travail ni sur les souffrances engendrées par les tâches qu’il impose aux protagonistes de son roman. Pour eux, dans son esprit, c’était le prix à payer pour accéder à la plénitude. Le roman de Voltaire,  selon ma pensée, aurait pu s’intituler « ode aux bienfaits du travail » ! L’association du vice et des besoins avec celle de la pauvreté et du vice, mérite une explication de texte. La magie et la force des mots suscitent des réactions différentes selon l’angle de vue du lecteur. Pour ma part, sans trahir l’esprit voltairien, je retiens en conclusion que « les besoins inhérents à l’oisiveté et la luxure peuvent conduire à la ruine et condamner celles et ceux qui s’y adonnent à la pauvreté ! Autant le vice est  considéré par les églises comme le péché qui mène aux portes de l’enfer, une vie dissolue n’est rien d’autre qu’une conduite que les puristes réprouvent ! Deux siècles et demi plus tard, les gardiens de la moralité bourgeoise ; ‘façon vieille France’, maintiennent cette idée de l’utilité du travail pour le bien-être du genre humain ! Certes la grande majorité d’individus est dépendante du travail : « il y a ceux qui en vivent, ceux qui en meurent et puis il y a ceux qui vivent grâce au travail des autres ! Mais c’est là une organisation sociale qui perdure depuis l’âge de pierre !

          Revenons sur la valeur travail ! Si depuis l’abolition de l’esclavage, l’idée que toute peine mérite salaire est ancrée dans les têtes de toutes les couches sociales, il n’en demeure pas moins que les individus sans travail, les pauvres, les accidentés-es de la vie, les travailleurs sous-payés, sont toujours pointés du doigt !  Tous les élans du cœur et les gestes de solidarité qui leur sont accordés font l’objet de débats controversés par l’opinion publique et la caste politique. L’ordre des choses qui prime encore aujourd’hui, : « c’est toujours aux plus pauvres de faire les plus grands efforts et si possible sans faire de bruit. » Tout le monde est à même d’établir un constat sur la question. Le sujet tourne en boucle à l’Assemblée Nationale mais reste en suspension car les débats prioritaires portent plus sur la nature et la couleur du sexe des anges  que sur le respect des principes fondamentaux de notre République. Il n’y a pas de solutions miracles pour faire bouger les lignes dit-on ; c’est vrai, mais c’est encore plus vrai quand on n’en cherche pas ! Si on comptait le temps consacré à la recherche de la virgule mal placée qui alimente les polémiques lors des joutes oratoires qui se succèdent au pupitre, on aurait des surprises, et selon la maxime qui dit que le temps c’est de l’argent, on pourrait alors dire légalement qu’il y en a qui sont payés à ne rien faire !  Il y a aussi une nouvelle méthode qui tend à se généraliser ; le principe est simple : en réponse des questions au gouvernement, son représentant ne répond en rien au questionnement mais suscite un nouveau débat en introduisant une formulation différente de la question posée ! La séquence sur la loi travail est un cas d’école pour les observateurs.

         La valeur travail c’est quoi au juste ? Un nouveau concept abstrait ou un élément de langage opératoire employé par des spécialistes en communication ? Est-ce un critère de revalorisation pour celles et ceux qui ; en quête de reconnaissance revendiquent un statut particulier dans notre société ? Ou bien serait-ce une unité de mesure artificielle pour nous faire oublier la réalité de plus en plus complexe du monde du travail confronté aux exigences des règles ; non négociables, de l’économie de marché mondialisée. Adam Smith, économiste écossais du dix-huitième siècle, considéré comme étant un des pères du libéralisme en Europe, définit la valeur travail comme étant un concept d’économie : «   le travail est créateur de richesses, il donne de la valeur aux biens créer » ! Il faut être grand spécialiste de la lecture entre les lignes pour suivre ce raisonnement ! Une bouillie littéraire pour éluder la question sociale sur les conditions d’existence de celles et ceux qui n’ont pas d’autre choix que de travailler en vendant leur force de travail !

         Avec l’arrivée du numérique, de l’intelligence artificielle et de la robotisation, les besoins en personnel sont revus à la baisse. Il est aussi plus difficile d’affirmer que les travailleurs sont les seuls créateurs de richesses. Même si dans l’absolu ; la définition du statut de prolétaire demeure,  les caractéristiques du prolétariat ont évolué ; dans quelle case doit-on classer les employés-es des start-up et de l’auto entreprise ? Pour des raisons multiples, voire contradictoires,  une catégorie de gens a opté pour un système de « libre entreprise », idée-force du libéralisme ! Si le recours à ce système enchante les chantres du capitalisme, c’est surtout parce qu’il ouvre des portes sur un nouveau modèle de socialisation C’est là ; un bouleversement au niveau des modes de production et des conditions de travail qui va changer les rapports humains dans le monde du travail ! Sans préjuger de l’évolution des start-up, du télétravail, pas plus que des conséquences et des avantages qui peuvent en découler, on peut d’ores et déjà parier que cette pratique touchera tous les secteurs d’activité. Faut espérer que les organisations syndicales posent un regard attentif sur la question et tiendront compte des avis et des réactions des personnels d’entreprises, car n’en doutons pas, « il y a du pour et du contre » ! Le bien-être au travail est une revendication assumée chez les jeunes, à l’instar des courtes siestes d’après déjeuner, les séances de décontraction sur le temps de travail sont une idée qui se développe ; ce genre de demande reçoit très souvent un avis favorable des directions d’entreprises. Il est difficile d’évaluer l’impact de ces nouvelles données au niveau de l’organisation du travail, mais négliger de les prendre en considération serait une erreur autant qu’une faute car le quotidien des gens sur leurs lieux de travail doit devenir une préoccupation majeure et un souci permanent !

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